LE RAFFINÉ
Un
fendant, un raffiné.
Poésies
de Scarron.
-
« Mes crocs aiguisés en pointes
ressemblent à la queue de la tarasque, mon linge est aussi blanc qu’une nappe
de cabaret, et mon pourpoint n’est pas plus vieux que les tapisseries de la
couronne.
« S’imaginerait-on
jamais, à voir ma pimpante dégaine, que la faim, logée dans mon ventre, y tire,
- la bourrèle ! – une corde qui m’étrangle comme un pendu !
« Ah !
si de cette fenêtre, où grésille une lumière, était seulement tombée dans la
corne de mon feutre, une mauviette rôtie au lieu de cette fleur fanée !
« La
place Royale est, ce soir, aux falots, claire comme une chapelle ! -
« Gare la litière ! » - « Fraîche limonade ! » -
« Macarons de Naples ! » - « Or çà, petit, que je goûte
avec le doigt ta truite à la sauce ! Drôle ! il manque les épices
dans ton poisson d’avril ! »
« N’est-ce
pas la Marion De l’Orme au bras du duc de Longueville ? Trois bichons la
suivent en jappant. Elle a de beaux diamants dans les yeux, la jeune
courtisane ! – Il a de beaux rubis sur le nez, le vieux
courtisan ! »
*
Van Dyck (1599 - 1641) |
Le
texte est issu du Second livre des
Fantaisies de Gaspard de la Nuit, Le
vieux Paris.
Les
crocs sont ici les extrémités de la moustache ; la tarasque était une bête
immonde terrorisant les environs de Tarascon jusqu’à ce que sainte Marthe,
patronne de la ville, y mette bon ordre. Bourrèle est le féminin de bourreau. La mauviette dont rêve le raffiné est
une alouette grasse. La place Royale est l’ancien nom de la place des Vosges,
ainsi rebaptisée en 1800 pour honorer la diligence du département à payer
l’impôt pendant la Révolution.
Victor
Hugo a consacré un drame à Marion de Lorme (l’orthographe du nom est
fluctuante). Les rubis du duc de Longueville sont plus prosaïquement de gros
boutons rouges. Enfin, se panader signifie se pavaner ; Bertrand est allé
chercher ce verbe charmant chez les auteurs du XVIIe siècle.
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